Colonie française
En 1517, l’Europe entre dans une grande crise religieuse avec la proclamation des thèses de Luther. Avec la publication des thèses, l’Église catholique enclenche la contre-réforme et l’esprit missionnaire refait surface1 . L’objectif des missionnaires est de convertir les païens et les hérétiques en plus de favoriser le retour des fidèles éloignés de l’Église. Ainsi, la découverte de l’Amérique permet les visées missionnaires. C’est dans cette optique que la fondation de Ville-Marie s’inscrit. Contrairement à Québec et à Trois-Rivières, Montréal était un projet de ville missionnaire. En fait, « on voulait y recréer, en un lieu éloigné, l’idéal de la communauté chrétienne d’origine. »2 En 1640, la seigneurie de Montréal est cédée à la Société de Notre-Dame de Montréal3 et le projet de fonder Ville-Marie peut se concrétiser. Le besoin de la société de trouver un chef d’expédition se concrétise lorsque de la Dauversière nomme Paul de Chomedey de Maisonneuve à ce titre. Néanmoins, il serait injuste de ne pas mentionner Jeanne Mance puisqu’elle avait comme projet d’ouvrir un hôpital en Nouvelle-France et elle fut également recrutée pour faire partie du projet de fondation. En effet, si Maisonneuve commandait les opérations, Jeanne Mance tenant une responsabilité importante dans la prise de décisions et son rôle fut déterminante dans la direction générale des affaires.4
Jeanne Mance
Née le 12 novembre 1606 à Langres en France5 Jeanne Mance fut, au même titre que Maisonneuve, la fondatrice de Ville-Marie. Alors qu’elle est en France, elle conçoit le projet d’aller en Nouvelle-France dans le but d’apporter sa contribution aux missionnaires. Engagée à La Rochelle en 1640 par la Société de Notre-Dame de Montréal, elle reçoit la mission de gérer les finances de la société. Sa plus grande contribution est la mise sur pied de l’hôtel-Dieu en 1645. Jusqu’à sa mort, elle sera la seule administratrice de l’hôpital. Le 18 juin 1673, Jeanne Mance rend son dernier soupir « en léguant son cœur aux Montréalais et elle demande aux Hospitalières de prendre soin de son corps. Ses restes reposent dans la crypte de la chapelle de l'actuel Hôtel-Dieu de Montréal. »6
Après quelques déconvenues, Ville-Marie fut fondée le 17 mai 1642 par Paul de Chomedey de Maisonneuve et par Jeanne Mance. Maisonneuve fut nommé gouverneur en 1644, et en l’absence de juge, il administre la justice.7 Comme Ville-Marie n’était pas destiné à avoir une autre population que quelques hommes et des Amérindiens, l’implantation d’institutions judiciaires n’était pas très urgente.
Le premier tribunal dans la seigneurie de Montréal vit le jour en 1648 et « faisant office de cour de première instance. Le personnel de cette institution est composé d’un juge, d’un procureur fiscal et d’un greffier. »8
En 1663, la Société de Notre-Dame de Montréal doit vendre la seigneurie et celle-ci est rachetée par Jean-Jacques Olier, un prêtre Sulpicien. Comme celui-ci se trouve à devenir le seigneur, il est doté de pouvoirs économiques, politiques et juridiques9. Cependant en avril de la même année, le Conseil souverain est mis en place à Montréal. Il a une juridiction complète tant civile que criminelle. Il est également le tribunal de dernier ressort de la colonie. Cependant, la justice seigneuriale10 exercée jusqu’alors ne veut pas céder face à la justice royale. Les deux modèles vont s’entrecroiser jusqu’en 1666, moment où la justice royale est écartée et le que le tribunal seigneurial reprend sa place. Comme ce sont les Sulpiciens qui sont les seigneurs de l’ile, ils doivent exercer la haute, la moyenne et la basse justice.
Justice seigneuriale
Apparition de la seigneurie pendant le Moyen âge vers la fin du Xe siècle11. Sa juridiction s’étend à l’ensemble de la seigneurie, tant en matière civile que criminelle. Le seigneur doit exercer trois types de justices, la haute justice qui s’applique tant au civil qu’au criminel donne au juge seigneurial le droit de prononcer tous les types de sentences. C’est également le seul type de justice dans lequel le seigneur a le droit de prononcer une peine de mort. Ensuite vient la justice moyenne, qui une juridiction majoritaire au civil. Le seigneur traite les causes impliquant « les successions, de même que les rixes, injures et vols. »12 Finalement, il y a la basse justice par laquelle le seigneur applique la justice sur des choses de moindres importances « comme les affaires relatives aux droits dus au seigneur, cens, rentes, exhibitions de contrats d’héritages sur son domaine. »13 En Nouvelle-France, la justice seigneuriale perd peu à peu son importance au détriment de la justice royale.
CENTRE D'ARCHIVES : 3 - Centre d'archives de Québec de BAnQ
COTE : P600,S5,PGN62
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TITRE : Paul de Chomedey de Maisonneuve, 1612-1676 / Decaris - [vers 1850]
En 1693, les seigneurs de l’ile de Montréal renoncent à leur pouvoir et en Mars, les Tribunaux royaux sont réinstaurés à Montréal. Néanmoins, les seigneurs conservent le droit d’exercer la basse justice. Le roi sera représenté en Nouvelle-France par l’intendant14 et le gouverneur. Jusqu’à la conquête, peu de choses changeront dans l’administration judiciaire de la colonie.
Régime militaire 1760-1763
Alors que la guerre entre la France et l’Angleterre fait rage sur le continent européen, le conflit se transpose Nouvelle-France et Montréal est conquise par les Britanniques le 8 septembre 1760. Dès lors, le régime militaire est mis en place. Les conquérants mettent en place la Chambre de milice et le Conseil militaire. La seigneurie de Montréal est divisée en cinq parties et chacune d’elle est pourvue d’une chambre d’audience, qui entend les causes civiles et criminelles et d’un Conseil militaire pour les appels.
Colonie anglaise
Avec le traité de Versailles, la France renonce, entre autres, à la sa colonie en Nouvelle-France et celle-ci est passée aux mains de l’Angleterre en 1763. On observe des réformes majeures dans le système judiciaire. D’ailleurs, le principe de district vient avec les Anglais. Le système seigneurial est abandonné et les institutions judiciaires mises en place correspondent au modèle britannique. En 1764, le district judiciaire de Montréal est formé. La justice civile et la justice criminelle sont maintenant entendues par des Cours distinctes. Pendant la période 1764 à 1774, nous observons, à Montréal, l’établissement de la Cour des plaidoyers communs. Cette Cour a une juridiction inférieure. Jusqu’en 1770, le juge siège deux fois l’an. Par la suite, le juge siège une fois par semaine. On voit également apparaître les juges de paix qui traitent les causes jouant entre 5 et 30 Louis. En 1770, cette juridiction entre dans les fonctions de la Cour des plaidoyers communs. Pour les disputes entre voisins, les baillis et sous-baillis sont formés.
En 1774, le gouvernement britannique propose un remodelage du territoire québécois et l’Acte de Québec est signé. La peur engendrée par les révoltes américaines a peut-être poussé le gouvernement anglais à être moins contraignant envers les habitants de l’ancienne Nouvelle-France. Quoi qu'il en soit, l’Acte de Québec redonne la liberté de culte aux habitants, le droit civil français est réinstauré de même que le régime seigneurial. En 1777, le Québec est divisé en deux districts, soit celui de Québec et celui de Montréal. Dans chaque district, trois juges résidents siègent. Alors que le conflit américain atteint son paroxysme et que son indépendance lui est reconnue, une vague de loyalistes franchise les frontières québécoises et la nécessité de s’assurer de leur loyauté15 force le gouvernement à procéder un autre remodelage du Québec. En 1791, par l’Acte constitutionnel, une nouvelle division du territoire apparaît divisait la colonie anglaise en deux, le haut et le Bas-Canada. Les francophones se virent confiner dans le Bas-Canada et trois districts furent formés. Ceux de Québec et de Trois-Rivières puis celui de Montréal. La Cour du banc du roi est réintroduite à Montréal et traite de cause jouant entre 1 et 20 Louis. En 1841, il y a passage des sessions inférieures au commissaire du banc du roi pour désengorger le rôle de la Cour du banc du roi à Montréal16 . Jusqu’en 1843, il y avait quatre sessions supérieures qui traitaient les causes de plus de 10 Louis quant aux causes inférieures17 , elles étaient entendues six fois l’an18.
En 1840, le haut et le Bas-Canada sont réunifiés par l’Acte d’union19.
Le 1er décembre 184020 , la juridiction civile de la Cour du banc du roi est absorbée par la Cour des plaidoyers communs. Neuf juges sont en tournée sur le territoire et entendent les causes inférieures et les causes supérieures. En 1841, les districts de Québec et de Montréal sont divisés en vingt-deux districts. Avec cela, un chef-lieu est nommé dans ces nouveaux districts et des juges siègent à l’intérieur de ceux-ci. En 1849, la Cour supérieure fait son apparition et elle a juridiction sur toutes matières mises à part celles qui relèvent d’une autre Cour. Puisque la population augmente toujours, la nécessité de renforcer le système judiciaire se fait sentir. En 1857, plusieurs districts judiciaires sont formés et une Cour est établie dans chaque district21.
Le 1er juillet 1867, le Canada devient autonome avec la loi constitutionnelle. Le parlement britannique confit alors aux provinces le pouvoir d’organiser son propre système judiciaire. La mise en place du système judiciaire québécois s’est échelonnée jusqu’à aujourd’hui. En 1888, la Cour de circuit présente à Montréal fut remplacée par une Cour de magistrat, qui disparut en 1893 pour refaire la place à une cour de circuit spéciale. En 1945, la Cour de circuit est transférée à la Cour de magistrat et a juridiction sur des litiges de moins de 100 $. La Cour de magistrat disparaît totalement à Montréal en 1965, année où la Cour provinciale fait son apparition. Cette Cour exerce les mêmes compétences, mais à juridiction sur toute la province22. En 1972, la division des petites créances est créée et exerce une juridiction sur des litiges inférieurs à 1000 $. En 1988, une nouvelle loi entre en vigueur et elle institue une cour unifiée23, la Cour du Québec qui est toujours en vigueur jusqu’à ce jour.
Bibliographie
01. ROBERT Jean-Claude, Atlas historique de Montréal, Éditions Libre Expression, Montréal, 1994, p. 14-15.
02. Ibid., p. 26.
03. Cette société fut fondée par Jérôme Le Royer de la Dauversière avec quelques autres hommes, dont Jean-Jacques Olier qui était Sulpicien.
04. ROBERT Jean-Claude, Op.cit., p. 26.
05. Les femmes fondatrices,http://www.er.uqam.ca/merlin/ak691533/jeannemance.htm. Ce travail a été effectué dans le cadre d'un cours d'histoire donné à l'Université du Québec à Montréal.
06. Jeanne Mance, http://www.er.uqam.ca/merlin/ak691533/jeannemance.htm
07. HUPPÉ Luc, Histoire des institutions judiciaires au Canada, Wilson et Lafleur Ltée, Montréal, 2007, p. 27.
08. NOËL Dave, Les structures judiciaires, Justice du Québec,http://www.justice.gouv.qc.ca/français /ministere/histoire/structures.htm#Anchor-27561.
09. DESLANDRES Dominique et Al. Les Sulpiciens de Montréal; une histoire de pouvoir et de discrétion 1657-2007, Fides, Montréal, 2007, p. 31.
10. Le tribunal seigneurial est également connu sous le nom de Bailliage de Montréal.
11. BLUCHE Frédéric, La justice seigneuriale, encyclopédie Universalis. En lignehttp://www.justice. gouv.qc.ca/francais/ministere/histoire/structures.htm#Anchor-27561
12. La justice seigneuriale, http://fr.wikipedia.org/wiki/Justice_seigneuriale, Wikipédia; l’encyclopédie libre, 2012.
13. Ibid.
14. L’intendant à la charge de l’administration civile. Parmi ces responsabilités, il doit prendre en charge le système judiciaire et s’occuper des finances de la colonie (Huppé p. 63).
15. Demeurés fidèles à la couronne britannique, les Américains qui étaient contre l’indépendance des États-Unis s’exilèrent au Canada. Ils furent nommés les loyalistes.
16. KOLISH Evelyn, Guide des archives judiciaires, Archives nationales du Québec, p.60.
17. Les sessions inférieures traitent les causes mettant en litiges un montant inférieur à 10 Louis.
18. Après 1843, les sessions supérieures entendent les causes mettant en litiges un montant supérieur à 20 Louis et les causes entendues en sessions inférieures de moins de 20 Louis.
19. HUPPÉ Luc, Histoire des institutions judiciaires au Canada, Wilson et Lafleur Ltée, Montréal, 2007, p. 310.
20. KOLISH Evelyn, Op.cit., p. 62.
21. HUPPÉ Luc, op., cit., p. 321.
22. KOLISH Evelyn, Op.cit., p. 67.
23. KOLISH Evelyn, Guide des archives judiciaires, Archives nationales du Québec, p.69.
Textes et références : Vanessa Morin, Bachelière en histoire, UQAC