Colonie française
L’histoire du Québec commença avec le renouvellement du monopole de la fourrure à Pierre Dugua de Mons par Henri IV en janvier 1608.1En effet, s’est Dugua de Mons qui demanda à Samuel de Champlain de fonder un établissement à Québec et c’est ainsi que le 3 juillet2 1608, de Champlain débarquait à Québec avec 27 hommes pour fonder ce qui allait devenir l’un des joyaux de l’Amérique du Nord.
Dès les débuts de la Nouvelle-France, qui commença officiellement avec la fondation de Québec, le roi de France donna des pouvoirs quant à l’administration de la justice en Nouvelle-France. À Québec, Samuel de Champlain reçut en 1612 par arrêt du Conseil d’État en France3 la fonction de commandement4 de la ville de Québec. Ainsi, il devait assurer divers rôles notamment celui de nommer des personnes aptes à rendre la justice. Évidemment, la jeunesse de Québec justifie le fait qu’il n’y a encore aucune institution judiciaire. En 1627, la France cède à la compagnie des Cents associés la totalité de la Nouvelle-France. Celle-ci devient avec le gouverneur, apte à nommé des juges. De même, la compagnie cède des parcelles de territoire et du même coup la personne qui est responsable de la seigneurie5 doit rendre la haute, la moyenne et la basse justice. En 1651, après avoir été l’intendant de la compagnie des Cents associés, Jean de Lauson devient le gouverneur de la Nouvelle-France 6et met en place un tribunal seigneurial7 à Québec. Le rôle de la compagnie des Cents associés se termine en 1663 lorsque celle-ci « abandonne au gouvernement français tous les droits qui lui avaient été concédés par le roi de France vingt-cinq ans plus tôt »8. Le roi reprend dès lors le contrôle de la colonie et instaure le Conseil souverain qui a juridiction sur l’ensemble des causes, tant civiles que criminelles9. Quelques années plus tard, le roi de France confie la gestion à la Compagnie des Indes occidentales, mais le contrat est révoqué par la France pour non-respect des clauses. Ainsi, l’édit du roi de mai 1677 proclame l’établissement de la Prévôté de Québec. Ce tribunal a une juridiction de première instance mixte. Jusqu’à ce que Québec capitule face aux Anglais, très peu de changements sont observés dans l’évolution du cadre judiciaire à Québec.
Occupation militaire 1759-1763
Le 18 septembre 1759, la ville de Québec perd sa bataille face à l’envahisseur et les conséquences sont énormes pour la colonie française qui voit alors commencer l’occupation militaire sur son territoire. En 1760, James Murray, gouverneur britannique de Québec, met en place le Conseil militaire dans la ville. Ce tribunal à juridiction civile et criminelle et s’étend à l’ensemble du territoire du gouvernement de Québec. Le gouverneur est à la tête du Conseil, mais lorsqu’il se trouve dans l’impossibilité de rendre une décision, des juges officiers le font à sa place.
Régime anglais 1763— …
Avec l’occupation britannique du territoire, le système seigneurial est progressivement abandonné et les institutions judiciaires mises en place correspondent de plus en plus au modèle britannique. En 1764, le district judiciaire de Québec est formé. La justice civile et la justice criminelle sont maintenant entendues par des cours distinctes. En 1764, sont créés à Québec, la Cour du banc du roi qui siège deux sessions à Québec10 et la Cour des plaidoyers communs. Cette cour a une juridiction inférieure et jusqu’en 1770, le juge siège deux fois l’an. Par la suite, le juge siège une fois par semaine. On voit également apparaître les juges de paix « pour entendre et décider de manière sommaire des causes dans lesquelles la valeur en litige est modique »11. En 1770, cette juridiction entre dans les fonctions de la Cour des plaidoyers communs. Pour les disputes entre voisins, les baillis et sous-baillis sont formés.
CENTRE D'ARCHIVES : 3 - Centre d'archives de Québec de BAnQ
COTE : P560,S1,P244
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TITRE OFFICIEL :Samuel de Champlain - [vers 1900]
CENTRE D'ARCHIVES : 3 - Centre d'archives de Québec de BAnQ
COTE : P600,S6,D1,P371
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TITRE : Quartier Vieux-Québec - Rue Saint-Louis angle du Trésor - Palais de justice - Vue éloignée / T. Lebel - 20 novembre 1929
Alors que les francophones du Canada se sentent de plus en plus oppressés par les anglophones, la révolution américaine commence à prendre de l’ampleur aux États-Unis et le mouvement menace le Québec. En effet, « une adresse aux habitants de la province de Québec est rédigée en octobre 1774… »12 demandant aux Québécois d’adhérer à la cause américaine. Probablement par crainte de voir les francophones prendre les armes avec les Américains, le gouvernement britannique adopte le 22 juin 1774 l’Acte de Québec et celui-ci entre en vigueur le 1er mai 1775. L’acte supprime la structure judiciaire mise en place avec la Proclamation royale de 1774 et « rend accessible aux catholiques les fonctions officielles, reconnaît les lois civiles françaises, confirme la légalité du régime seigneurial et concède à l’Église catholique le droit de prélever la dîme ».13 En 1777, le Québec est divisé en deux districts judiciaires, dont ceux de Montréal et de Québec. La cour des plaidoyers communs est rétablie dans les districts. Ainsi, les juges siègent dans les districts chaque semaine. Deux juges se prononcent sur les causes supérieures à 10 Louis et un seul se prononce sur les causes inférieures à 10 Louis. De plus, les juges font la tourner des districts deux fois par an.14
Alors que l’indépendance américaine est proclamée, le Québec doit accueillir les Américains demeurés fidèles15 à la couronne britannique. Le gouvernement doit alors procéder à un autre remodelage du Québec. En 1791, par l’Acte constitutionnel, une nouvelle division du territoire apparaît et divise la colonie anglaise en deux, soit le haut et le Bas-Canada. Les francophones se virent confiner dans le Bas-Canada et trois districts furent formés.16En 1793, l’organisation judiciaire est remodelée et la Cour du banc du roi refait son apparition. Les juges siègent à Québec et Montréal et ils ont juridictions sur des causes traitant de litiges variant entre dix et vingt louis en sessions supérieures (quatre sessions)17 et les causes traitant les litiges de moins de dix Louis sont entendue en sessions inférieures (six sessions). En 1836, la Cour des commissaires est instaurée dans le comté de Québec bien qu’elle l’était déjà dans les paroisses de campagne à partir de 1821. En 1839, la Cour des commissaires est absorbée par la Cour de requêtes qui fut à son tour abolie en 1841.
En 1840, le haut et le Bas-Canada sont réunifiés par l’Acte d’union18. Le 1er décembre 184019, la juridiction civile de la Cour du banc du roi est absorbée par la Cour des plaidoyers communs. Neuf juges sont en tournée sur le territoire et entendent les causes inférieures et les causes supérieures. En 1841, les districts de Québec et de Montréal sont divisés en vingt-deux districts. Avec cela, un chef-lieu est nommé dans ces nouveaux districts et des juges siègent à l’intérieur de ceux-ci. En 1849, la Cour supérieure fait son apparition et elle a juridiction sur toutes matières mises à part celles qui relèvent d’une autre Cour. Puisque la population augmente toujours, la nécessité de renforcer le système judiciaire se fait sentir. En 1857, plusieurs districts judiciaires sont formés et une Cour est établie dans chaque district.20 Le 1er juillet 1867, le Canada devient autonome avec la loi constitutionnelle. Le parlement britannique confit alors aux provinces le pouvoir d’organiser son propre système judiciaire. La mise en place du système judiciaire québécois s’est échelonnée jusqu’à aujourd’hui. La Cour de circuit qui avait été mis en place suite à l’acte constitutionnel est supprimée en 1953 et est transférée à la Cour de magistrat. On voit également apparaître les Tribunaux des juges de paix, la Cour de bien-être social en 1950, la Cour provinciale qui remplace la Cour de magistrat, etc. Beaucoup de changements sont survenus avec l’acte constitutionnel, mais pendant plus de cent ans, il n’y a pas eu d’autres réformes majeures dans l’appareil judiciaire québécois. C’est avec la loi de 1988 que les différents tribunaux existants sont unifiés pour devenir la Cour supérieure du Québec.
Les réformes dans le système judiciaire québécois entrainent de nombreux changements, dont celui de la construction de nouveaux édifices. À Québec, le palais de justice situé sur la rue Saint-Louis (1) est relocalisé dans la basse ville de Québec en attendant la construction du nouveau palais de justice. C’est sous le ministère de René Lévesque qu’il fut construit et il fut achevé lors de son second mandat, en 1983. Le palais de justice est encore actif aujourd’hui et sis au 300 Jean-Lesage21.
Bibliographie
01.LEBEL Jean-Marie, Québec 1608-2008 : Les chroniques de la capitale. Les presses de l’Université Laval, Québec, 2008.
02. Ibid.
03. HUPPÉ Luc, Histoire des institutions judiciaires au Canada, Wilson et Lafleur Ltée, Montréal, 2007, p. 22.
04. Fonction de gouverneur.
05. Le territoire qui est cédé à une personne est une seigneurie et la personne qui est la propriétaire est également le seigneur des lieux.
06. LEBEL Jean-Marie, op., cit.
07. Ce tribunal prend le nom de Sénéchaussée.
08. HUPPÉ Luc, HUPPÉ Luc, Histoire des institutions judiciaires au Canada, Wilson et Lafleur Ltée, Montréal, 2007, p.31.
09. KOLISH Evelyn, Guide des archives judiciaires, Archives nationales du Québec, p.57.
10. KOLISH Evelyn, Guide des archives judiciaires, Archives nationales du Québec, p.57
11. HUPPÉ Luc, Histoire des institutions judiciaires au Canada, Wilson et Lafleur Ltée, Montréal, 2007, p. 140.
12. HARDY, René et Normand SÉGUIN. Histoire de la Mauricie, Sainte-Foy (Québec), Les Éditions de l’IQRC, 2004, p. 97.
13. Ibid.
14. KOLISH Evelyn, Guide des archives judiciaires, Archives nationales du Québec, p.57
15. On les surnomme les loyalistes.
16. Les trois districts judiciaires sont Montréal, Trois-Rivières et Québec.
17. Les montants sont revus à la hausse en 1843 puisque les sessions supérieures entendaient des causes mettant en litiges une somme supérieure à vingt Louis. Les montants mettant un litige inférieur à cela étaient entendus en session inférieure.
18. HUPPÉ Luc, Histoire des institutions judiciaires au Canada, Wilson et Lafleur Ltée, Montréal, 2007, p. 310.
19. KOLISH Evelyn, Op.cit., p. 62.
20. HUPPÉ Luc, op., cit., p. 321.
21. Il fut construit entre 1883 et 1887 et fut maintes fois l’objet de rénovation. En 1983, il fut classé dans les monuments historiques du Québec.
Textes et références : Vanessa Morin, Bachelière en histoire, UQAC